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La gourmandise : Paul Lemaire
Le 20 d�cembre 2007
Paul, 16 ans, un ado comme les autres. A ceci près qu’il a vécu 4 ans à New York. Le lieu idéal pour confronter le goût français à toutes les cuisines du monde. Mais aussi à la junk-food. Paul ne s’en est pas privé: « C’est le côté glouton de la nourriture. Le plaisir de se prendre une bonne ventrée. Même si en sortant, tu te sens un peu dégueu… » Et il s’est pas limité au MacDo. A la pause de midi, il fuyait la cantine pour s’acheter dans la rue de la junk food chinoise très bon marché. Ou des borretos bourrés de viande, de salade et de haricots dans une chaîne de Tex-mex qu’il avait repérée. Il en salive encore : « Encore plus glouton ! » Jusqu’au jour où, grâce à des copains, il a découvert la poutine. Rien à voir avec le leader du Kremlin : d’origine québécoise, le mot désigne un étouffe-chrétien à base de frites, fromage cheddar fondant et sauce espagnole. Cà l’a tellement emballé qu’avec ses potes, il a fini par dénicher un restaurant exclusivement dédié à ce casse-croûte de trappeurs: « Quand çà me prenait, je pouvais faire des heures de métro pour y aller… » Il admet que le plat n’est pas très raffiné : « C’est comme le MacDo, çà te prend comme çà,tu cherches le simple plaisir de te remplir le ventre. Mais c’est aussi un rite entre copains. » D’après Paul, l’environnement familial n’entre pas en ligne de compte: « J’avais un copain dont le père a des restaus français et pourtant il est complètement dans la junk-food. » Et de préciser que la formation de son goût résulte de choix personnels: « A six ans, je me suis créé des tas d’interdits alimentaires. Pas de fruits, pas de tomates, pas d’épinards, pas d’huile dans la salade. C’était dans ma tête que çà se passait. Evidemment, ma famille m’a fait la guerre. Vers dix ans, j’ai compris que je ne m’en sortirais pas et je me suis forcé à manger ce qu’on me donnait. Peu à peu, j’ai trouvé certains goûts très bons et j’ai fini par accepter à peu près tout. Il y a eu aussi des trucs que j’ai fait semblant d’adorer, comme les yeux de poisson, découverts avec une amie japonaise de mon père. En fait, ce n’était ni bon ni mauvais. J’en mangeais uniquement pour épater les gens… » A New York, grâce à sa famille, Paul est resté en contact avec les saveurs de son enfance, crêpes au Nutella, cassoulet, caramels au beurre salé, oeufs brouillés, enfin le chocolat sous toutes ses formes. A Paris, ces « fondamentaux » sont à portée de main. Mais fort de son expérience américaine, il continue à naviguer entre toutes les saveurs du monde. Eclectique, il vante aussi bien la cuisine japonaise — « Fin et léger » _ et l’italienne : « J’aime tout, les spaghettis, lasagnes, les gnocchi ». Bémol toutefois sur les pizzas : d’après lui, elles ne surpasseront jamais celles qu’il a mangées à Naples lors d’un voyage scolaire. Et pour le reste, des crêpes bretonnes au falafel proche-oriental bourré de fèves à l’huile, de l’aérien rouleau de printemps aux solides couscous et houmous, tout lui va. Même le barbecue coréen dont les effluves lui chatouillent les narines quand il rentre chez lui. Seule réticence tenace : la cuisine indienne, trop lourde à son goût…Comme quoi le monde culinaire des ados s’avère aussi surprenant que leur psychologie…

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