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Stephen Hawking, l'anti Harry Potter
Le 11 octobre 2007
Il n’y a pas que Harry Potter dans la vie, il y a aussi les romans d’aventures de Hawking. Non, pas Stephen King ! Stephen Hawking, le génie des trous noirs et de la physique quantique. Car voici qu’à son tour, l’astrophysicien le plus doué de la planète s’est piqué de convertir nos chères têtes blondes à la lecture. Si brillamment que le premier tome de sa trilogie, « Georges et les secrets de l’univers » ( Pocket Jeunesse ) s’est déjà vendu dans trente pays…Il faut dire qu’Einstein II, comme on le surnomme sur son campus, est tout sauf un novice en matière de best-seller. Avec sa « Brève histoire du temps » il a déjà initié 12 millions de lecteurs aux arcanes du Big bang. Mais de là à écrire un roman qui fasse de nos rejetons des chevaliers de l’Ordre de l’anti-matière… Rien cependant n’effraie le pape des étoiles à neutrons. Pas même l’abîme sans fond qui nous sépare de la galaxie de nos ados shootés non–stop au MP3 et à l’Internet haut débit : Hawking n’en est plus à un défi près. La sclérose amyotrophique qui le scotche à son fauteuil roulant depuis plus de 40 ans ne l’a pas empêché de révolutionner en une nuit la théorie des trous noirs, de s’offrir à 65 ans un vol en apesanteur, ni de se programmer pour 2009 une petite virée dans l’espace. Donc s’attaquer à la planète-ado, fastoche ! Et d’autant plus les doigs dans le nez qu’avant de se lancer dans le roman-jeunesse, il s’est fait précéder de la meilleure sonde de reconnaissance : sa propre fille, Lucy, 40 ans, mère de famille et romancière de son état. Donc parfaitement familière du quotidien des gosses contemporains. C’est donc entre les pluies d’équations du grand-père et les délires imaginatifs de la maman-conteuse qu’est né l’attachant héros de « Georges et les secrets de l’univers » , héroïc-fantasy scientifique à l’usage des 10-15 ans. Son héros : un Petit Poucet post-moderne, paumé entre ses copains racketteurs et ses parents ayatollahs du tout-écolo. « La technologie ne passera pas ! « serinent-ils du matin au soir, tout en gavant leur rejeton de tartes aux pissenlits, cakes aux brocolis et autres tisanes aux orties. Car le charme du scénario concocté par Hawking père et fille, c’est qu’il est aussi un gigantesque pied-de-nez au politiquement correct qui ligote si souvent ( et si sottement ) la littérature-jeunesse. Ils ont donc doté Georges de parents carrément bornés, qui tournent de l’œil à la seule vue d’un Coca, d’un ordi ou d’un paquet de chips. Seule distraction du pauvre Georges: les manifs « Sauvons la planète » où il doit s’époumoner avec ses géniteurs contre les méfaits de la technologie, drapé comme eux dans des fringues vingt fois recyclées. Leur animal de compagnie, un cochon aussi puant que son écologique fumier, finit lui-même par en avoir par-dessus le groin. Il s’enfuit dans la maison voisine, où, bien sûr, Georges le suit. Miracle: il y tombe sur une fille qui mange des chips. Mieux encore: la ravissante fait joujou avec un ordi nommé Cosmos, bestiau électronique surpuissant, lequel, d’un clic sur son portail magique, expédie Georges au fin fond d’une comète, puis d’une tempête d’astéroïdes, enfin à la lisière d’un terrifiant trou noir. Comme il se doit, divers méchants vont se mettre en travers de cette palpitante navigation dans les mystères intergalactiques. Nouveau trait d’insolence d’Hawkins père et fille : leur Dark Vador n’est autre que le propre prof de maths-physique de Georges, un tyrannosaure des x et des y comme, hélas ! on en connaît tous. Mais Georges a de la ressource. Après avoir déjoué les pièges neutroniques de l’abominable enseignant-bourreau, il convainc ses parents que la meilleure façon de sauver la Terre, c’est d’aller coloniser une autre planète, réconciliant ainsi gentiment technologie et écologie. Au passage, alléluia !il marque un sacré point dans le cœur de la fille qui mange des chips. Tout bénef’ aussi pour le jeune lecteur : au fil des chapitres, il ingurgite sans s’en rendre compte de limpides exposés sur la gravité universelle, la théorie de la relativité, les queues de comète, les mini-lunes, l’anti-matière…Beaucoup plus instructif que l’Ecole des Sorciers, mais tout aussi fantasmagorique. L’éditeur n’a tout de même pas le culot de promettre que ce roman propulsera directo nos bambins à Polytechnique. N’empêche : après lecture, on peut raisonnablement espérer des bulletins de notes beaucoup plus cool…